La
restauration de l'Avion 3  |
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Je
proposai alors de déposer l'avion au sol, et d'en démonter
les grands sous-ensembles pour les dépoussiérer
; ce qui fut fait dans une salle voisine. Le plan fixe fut amené
à l'atelier de Meudon pour réparation, ré-entoilage
et peinture : une façon de se faire une idée de
ce que pouvait représenter une restauration complète
sur ce type d'avion. Quant à l'aile, elle fit l'objet
d'un examen approfondi dont je profitai pour relever des cotes
précises et faire une série de clichés de
détail, en vue d'en tirer un plan valable pour les Suédois.
En dehors du travail de photo et de dessin, que j'ai effectué
moi-même, l'ensemble de l'opération a coûté
deux ouvriers, détachés à plein temps au
CNAM, pendant un bon mois. C'est tout ce que nous pouvions faire
pour " sauver l'honneur ".

Cette opération
m'a amené à m'intéresser aux autres avions
du CNAM et, en particulier, à l'Avion 3. Il était
dans un état aussi lamentable que le Breguet ; plus grave
: les nombreux câbles qui solidarisent les membrures étaient
oxydes au dernier degré, et menaçaient de rompre...
Plus encore que pour le Breguet, une restauration complète
était urgente, car on pouvait s'attendre à de sévères
dégâts.
Il y avait encore
autre chose qui m'a poussé à intervenir. En 1975
et 1976, j'avais eu l'occasion d'interroger longuement M. Charles
Dollfus sur l'origine des avions du musée, dont il avait
été le conservateur pendant plus de trente ans,
après le capitaine Hirschauer. Au cours d'une bonne dizaine
d'entrevues, j'ai pu apprendre de lui beaucoup de choses sur
les pionniers de l'aviation française qu'il avait presque
tous connus, y compris Ader. C'est ainsi que, n'ayant pas étudié
personnellement la question des vols d'Ader auparavant, j'ai
subi l'influence de son opinion sur Ader, renforcée par
la thèse qu'il avait défendue dans Icare en 1974
(n° 68).
Or au CNAM, en
examinant de plus près l'avion lui-même, je constatai
que l'isolation de la chaudière, que Dollfus disait être
en briques réfractaires, était en fait constituée
de plaques de liège ; et que la cheminée de l'appareil
était en aluminium, alors que, dans ses écrits,
Dollfus affirmait qu'Ader n'avait pas employé ce métal,
ce qui lui semblait être la marque d'une déficience
technique impardonnable. Un certain doute me saisit alors sur
la valeur des affirmations de Dollfus. Lui rendant compte de
mes visites au CNAM, je lui dis qu'à mon avis, il fallait
d'urgence restaurer cet avion. C'est alors qu'il s'écria
: " Surtout n'y touchez pas ! Il tomberait en poussière
immédiatement... ". A tort ou à raison, j'interprétai
cette réaction comme exprimant la crainte, que quelqu'un,
se mît à étudier sérieusement cet
appareil; car je venais de découvrir, peu avant, que personne
au CNAM n'avait jamais rien écrit sur cette machine, ce
qui laissait toute leur crédibilité aux propos
de Dollfus.
Le plus vieil
avion du monde qui ait été conservé, même
s'il n'avait pas volé, méritait une restauration
et une étude sérieuse, me semblait-il. Mais bien
sûr, il faudrait procéder sans précipitation,
pour limiter les risques, à première vue très
exagérés par Ch. Dollfus. Comment se fait-il, me
disais-je, qu'en 1978, près de 80 ans après l'expérience
de l'Avion 3 à Satory, on n'ait pas encore réussi
à lever le doute sur la réalité de son vol,
alors que l'on dispose de tous les moyens techniques nécessaires
pour déterminer si cet appareil qui est là, entre
nos mains, pouvait voler ou non ?
Au printemps 1978,
j'était heureux d'avoir pu convaincre les responsables
du CNAM de faire confiance au Musée de l'Air pour la restauration
et l'étude de l'Avion 3 ; et surtout, devant les difficultés
prévisibles de l'opération, d'obtenir que ne soit
fixée à priori aucune date de retour impératif,
étant entendu qu'à tout moment les représentants
du CNAM pouvaient venir vérifier à Meudon l'avancement
des travaux.
Devant l'indifférence
générale pour ce pauvre avion et pour Ader, il
fallait saisir la chance qui s'offrait: pour une fois, quelqu'un
était vraiment décidé à s'en occuper
et tout le monde était heureux de le laisser faire...
On laissa passer
les vacances d'été, et l'Avion 3, démonté
par l'équipe du Musée de l'Air, fut transporté
à Meudon, où il atterrit le 29 août 1978.
L'aventure commençait. |
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