New York, 24 décembre1989, 13
heures 10 (heure locale), 19 heures 10 (heure de Paris)
Le
Concorde New York / Paris s'aligne sur la piste 13 de l'Aéroport
John Fitzgerald Kennedy, avec seulement 30 passagers à
bord (traditionnellement la veille de Noël il y a peu de
passagers dans les avions, à partir de midi de nombreux
vols sont annulés par les Compagnies Aériennes...
il faut laisser l'espace au Père Noël).
À la préparation du vol, les conditions
météorologiques sont prévues excellentes
sur tout le parcours, avec un vent très favorable. De
plus l'équipage sait que le trafic aérien de New
York est très réduit. Toutes les conditions sont
réunies pour "faire un temps". Le record officiel
est de 3 heures 15 (Cdt Andréani), ce temps a été
très souvent égalé ou battu, mais non homologué,
le temps de vol devant être chronométré par
la Fédération Aéronautique Internationale,
le record "officieux" étant de 3 heures 02.
La zone militaire à l'Est de New York
est inactive (pas de guerre prévue le jour de Noël),
le vol direct vers le 60° Ouest est autorisé par le
Contrôle de New York, ceci sans restriction d'altitude
ou de vitesse.
Après le décollage et la procédure
anti-bruit (abattée de cap vers le Sud après décollage),
montée directe et accélération vers Mach
2.00, pendant la montée, la température extérieure
est plus froide que la "standard", ce qui est favorable
pour le temps de montée (la poussée des réacteurs
étant meilleure). Dès 30.000 pieds le fort vent
arrière prévu et espéré est bien
là ! La
tropopause est relativement basse (vers 33.000 pieds) le Mach
de croisière est rapidement atteint à 50.200 pieds,
la température extérieure est maintenant plus chaude
que la standard, ce qui augmente la célérité
du son (qui est directement lié à la racine de
la température absolue). Ceci est un facteur favorable
À 51.000 pieds le vent arrière est de plus de 100
nuds, la vitesse par rapport au sol de 1260 nuds.
Le Commandant décide d'abandonner la "croisière
ascendante" (vol à Mach 2.00 avec la poussée
croisière maximum, ce qui conduit le Concorde à
monter lentement au fur et à mesure de la consommation
kérosène), ce choix afin de conserver ce vent bénéfique.
L'altitude est maintenue entre 51.000 et 53.000
pieds et la vitesse de M 2.02 est choisie au lieu de M 2.00
La vitesse sol obtenue variera de 1260 à 1300 nuds,
il sera nécessaire par moments de réduire le mach
de croisière pour respecter la température d'impact
à 127 ° C (maximum autorisé). La progression
du vol est satisfaisante et l'objectif de 3 heures semble être
à portée.
L'Officier Pilote surveille les météos
de Shannon et de Paris, calcule les points de "non-retour"
et les "points milieu" sur 4 et 3 moteurs... Tout est
dans le vert ! Chaque seconde compte, le Commandant décide
de changer de route et d'éviter Guernesey, qui est le
point "classique" d'entrée pour le Concorde,
mais qui oblige à réduire précocement la
vitesse afin d'être subsonique 50 km avant l'île.
Le vol est recalé pour entrer en France
par Dieppe en se faufilant entre l'Angleterre et Cherbourg, ce
qui allonge le trajet, mais permet de conserver Mach 2 plus longtemps
(gain d'environ 2 minutes). Descente lente vers 50.000 pieds
pour conserver le vent arrière le plus longtemps possible,
le point de décélération est soigneusement
calculé, il faut être impérativement à
Mach 1.00 à 50 km de Dieppe pour que le bang sonique percute
seulement la mer et les poissons. Le vol est poursuivi à
Mach 0.97 et 31.000 pieds, l'objectif de 3 heures devient "tangent".
L'Officier Pilote contacte Charles de Gaulle
Approche, nous obtenons une arrivée directe en piste 10,
avec liberté de manoeuvre. Pour grappiller quelques secondes
et retarder la décélération il est décidé
de descendre avec 2 "reverses" intérieures coquilles
ouvertes (utilisation certifiée, Concorde n'est pas un
Boeing 747 !), la vitesse verticale devient 14.000 pieds minutes
à 370 noeuds.
Il devient évident que les 3 heures vont
être dépassées de quelques secondes. Le Commandant
demande à atterrir sur la. piste 09 (son seuil est plus
à l'ouest d'environ 2 km), quelques précieuses
secondes sont gagnées, Concorde 001 touche des roues après
2 heures 59 minutes et 40 secondes..., à 22:09:40 avec
25 minutes d'avance sur l'horaire.
Depuis, ce temps n'a jamais été
atteint, ni même approché, en effet les circonstances
de ce vol (nuit de Noël, vent, météo, collaboration
des services de contrôle...) ont peu de chance de se reproduire,
d'autre part la route "Dieppe" a été
supprimée depuis de nombreuses années suite à
l'encombrement des routes aériennes, ce qui rend désormais
impossible de battre ce record "officieux".
Il faudra maintenant attendre le successeur de
Concorde qui sans doute tombera ce record d'une vingtaine de
minutes à Mach 3.00 !
Équipage de ce vol :
Commandant
de Bord : Gérard Duguet
Officier-Pilote Didier : Le Chaton
Ingénieur-Mécanicien : André
Lavillaureix.
