Par Yvon GOUTX
Je fus
muté de l'ER 1/33 "Belfort" de Strasbourg la
31 juillet 1978, au DA 51/351 de la 11e Escadre de Chasse
de Toul pour y commander la deuxième escadrille (SPA 161
"Sphinx") de l'Escadron de Chasse 4/11 "Jura",
seul "vrai" escadron de chasse devant être installé
dans le sud-ouest, selon la volonté du Président
VGE.
À cette
date, cet escadron mettait encore en uvre des F100 D et
F "Super-Sabre" à Djibouti jusqu'au 31
décembre, avant d'être dissous pour être recréé
sur Jaguar à Bordeaux-Mérignac, le 1er janvier
1979.
En attendant le
début de ma transformation machine à Saint Dizier
au mois de septembre, le Commandant d'escadre, le LCL Hector
PISSOCHET et le Commandant d'escadron, le CDT Henri ARGELIER
m'avaient demandé de suivre, pendant le mois d'août,
l'avancement des travaux d'infrastructure et de préparer
l'aspect opérationnel de l'arrivée des avions,
sortant d'usine.
L'EC 4/11 "Jura"
devenait le 8e escadron équipé de "Jaguar"
(3 escadrons à la 7e EC, 4 donc à la 11e EC et 1 à
la 3e
EC) et préparait, à partir de la "base mère"
de Toul, la transformation de ses pilotes et mécaniciens
avec l'aide des trois escadrons lorrains.
Les avions :
Comme tous
les escadrons opérationnels de France et de Navarre, le
4/11 devait "posséder" en cette fin des années
soixante-dix, 15 avions de combat.
À l'exception
de l'EC 2/7 "Argonne" dont la mission de transformation
justifiait une majorité de biplaces, les escadrons de
"Jaguar" de Saint-Dizier, de Nancy et de Toul possédaient
14 monoplaces et un biplace.
Seuls l'EC 4/11
et l'EC 4/7 "Limousin", qui allait être créé
et installé l'été suivant à Istres,
possédaient 13 monoplaces et 2 biplaces.
L'EC 4/11 reçut
donc deux des derniers biplaces construits, les "Jaguar"
E31 et E32, et les JAGUAR A113, 114, 115, 116, 117, 118, 119,
124, 125, 126, 127, 128 et 129 qui sortaient des chaînes
d'assemblage de la société SEPECAT de Toulouse.
Comme tout aéronef
dans le monde, chaque "Jaguar" devait avoir une immatriculation
OACI, composée de 5 lettres. (F XXXX pour un aéronef
français) Sur le flanc des avions de l'armée de
l'Air, n'apparaissent que les deux dernières avec, en
avant de ces deux lettres, le nombre correspondant à l'unité
d'appartenance : 11 pour 11e escadre. La première de ces deux lettres
identifiait, en complément des lettres "masquées",
l'escadron auquel appartenait l'avion.
Pour le 4/11, les
immatriculations étaient F UMYx et donc chaque avion avait
sur son "flan" 11 Yx. J'avais "naturellement"
donné au A113 l'immatriculation F UMYA, au 114 YB, etc.
pour en arriver au " Jaguar " A119 qui devait porter
mes initiales "YG"
Notre dernier monoplace, le A129
était immatriculé 11 YQ (je crois), certaines lettres
ayant été réservées aux avions A120,
121, 122, 123 qui iront finalement à Toul. Nos deux biplaces
furent immatriculés 11 YY et 11 YZ.
Ce A119 devint
donc MON avion et, à chaque fois que je le pouvais, je
m'affectais cet avion pour chaque mission, ce que je faisais
sans scrupule avec la complicité de mon alter ego : Michel
CROCI qui commandait les "Serpentaires" (SPA 158) de
l'autre escadrille.
La Fiat 500 :
Parallèlement
à tout cela, je possédais une petite Fiat 500 d'un
blanc immaculé (avec capote noire) qui me servait à
faire le trajet domicile base et retour, en plus de mes déplacements
privés.
Au mois de mars
1980, les manuvres nationales "expédièrent"
l'escadron, une grande partie de son personnel et ses 15 avions
passer une quinzaine de jours sur notre terrain de déploiement
de Châlon Vatry, joli "port de pêche! "
"Jaguar"
et Fiat 500:
la " Mécanique
", s'amuse...
Nous y "faisions la guerre"
aux côtés de l'EC 3/3 "Ardennes" de Nancy,
qui avaient troqué ses "Mirage" 5F contre des
"Jaguar", en 1977, devenant le 7e escadron équipé
de ce merveilleux "camion à bombes", ainsi qu'était
surnommée notre "monture"
Pendant ce temps,
le personnel resté à Bordeaux devait s'ennuyer...
À qui doit
on cette idée saugrenue ? Je ne le sais pas avec précision
aujourd'hui...
Une idée pour
se libérer des embouteillages !
Le Commandant Bernard
GUEVEL, second de l'escadron à l'époque, ne devait
pas y être étranger; il a au moins donné
son feu vert (depuis Vatry) aux initiateurs s'il n'en est pas
un lui même.
Toujours est-il
que quelques mécaniciens sont allés chercher ma
voiture (stationnée dernière le mess des officiers)
avec un "Fenwick", l'ont transportée à
l'escadron et l'ont peinte telle que vous pouvez la voir sur
ces photos, avec un superbe "Sphinx" sur le capot et
les immatriculations du A119.
Quand nous sommes
rentrés de notre campagne champenoise, j'ai eu la surprise de garer
le A119 que je pilotais ce jour-là face à ma Fiat
500 devant laquelle était exposé l'armement du
JAGUAR classique!
Cette petite Italienne
m'a rendu beaucoup de services pendant les trois ans de mon commandement.
Par contre, les services secrets étrangers chargés
de me "pister" en dehors de mon lieu de travail avaient
la tâche facile... et je ne parle pas des commentaires
de mes subordonnés quand la voiture était garée
la veille au soir, place "des Grands Hommes"!
Yvon GOUTX
** Récit
extrait de la revue "PIONNIERS" N° 169.
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